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Tout en part, tout y revient/ roman dédié à l'antique mosquée de Cordoue
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Tout en part, tout y revient/ roman dédié à l'antique mosquée de Cordoue
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4 mars 2011

Partie 4 (1)

(Rappel : présentation du roman = 7 septembre 2010 / partie 1, chapitre 1 = 28 novembre 2010 / postage de la partie 4 (2) prévue le 11 mars 2011)

 

couverture_roman

(on peut se procurer le roman sur le site : www.publibook.com ou le commander dans une bonne librairie)

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(Port-Vendres - Pyrénées Orientales)

 

Partie 4

 

 

Quand je reçus le récit de Sofiane, je m'étais déjà mis au boulot. J'avais lu tout ce que Marie avait écrit et je commençais à fouiller dans la documentation qu'elle avait laissée. A la fin de chaque journée de travail, je me sentais un peu plus troublé. Le récit de Sofiane quant à lui, avait fini de me convaincre de son innocence. Mais je ne voyais pas comment j'allais pouvoir m'en sortir pour écrire ce livre et en même temps prouver que le procès était faussé. Je n'avais pas la force de persuasion de Marie, encore moins son charisme. Je ne pouvais m'appuyer sur aucune expérience journalistique probante. Ce n'était pas mes piges sur la musique arabe qui allait me fournir une renommée suffisante pour étayer mes dires. A la seule perspective de devoir d'abord affronter le directeur de Liberté, je me dégonflais. Je pressentais qu'il allait me rire au nez. "Mon pauvre Hocine ! Ce n'est pas parce que je t'ai confié la couverture du procès (je n'avais personne d'autre sous la main) que tu dois te croire obligé de t'enflammer pour cette cause. Tu n'as pas la carrure, mon vieux. Tu vas tout simplement te faire flinguer et moi je vais perdre mes articles sur la musique arabe. Oublie ça !" Pas besoin d'aller le voir pour savoir exactement ce qu'il me dirait. Au fond, il n'aurait pas forcément tort de penser de la sorte. Je ne donnais pas cher de ma peau mais (malheureusement), j'avais donné ma parole. Dans ma morale, on ne renie pas sa parole, encore moins si on l'a donnée à quelqu'un juste avant sa mort. Je me trouvais dans de sales draps. Et puis, pour couronner le tout, il y avait Sofiane qui ne pouvait compter que sur moi pour s'en sortir. Je n'en dormais plus. Je ne me sentais pas l'étoffe d'un héros ni d'un redresseur de torts. J'étais près de laisser tomber pour tout dire, me persuadant que même si je tentais le coup, comme j'allais me ramasser, ce serait pire après.

J'en étais là de mes réflexions peu glorieuses quand un évènement changea radicalement le cours de cette histoire.

Au moment où je sortais du journal, un soir, quelques rues plus loin (j'avais décidé de rentrer chez moi à pieds pour profiter d'une soirée à la température douce), quelqu'un, dont le visage ne m'était pas inconnu sans que je pusse de suite remettre les circonstances dans lesquelles nos chemins s'étaient croisés, m'aborda. Je compris sur le champ qu'il me guettait. Il m'avait suivi depuis le journal sans doute, pour je ne savais encore quelle raison. Il me proposa d'aller boire un verre ensemble dans la brasserie à côté de laquelle il m'avait interpellé, sans se présenter. Comme j'étais intrigué et nullement inquiet, j'acceptai. Dès que je fus assis en face de lui, quelque chose de son visage me rappela immanquablement Marie. Rien de plus normal puisque c'était son père, ça me revint d'un coup. Je l'avais remarqué au cours du procès à Cordoue sans avoir osé aller lui parler pour respecter sa douleur. Il comprit que le reconnaissais.

- Vous êtes bien Hocine Loumail !

- Oui !

- Vous étiez au procès à Cordoue pour le journal.

- Pour ne rien vous cacher.

- Je suis le père de Marie.

- Je m'en suis douté à cause de la ressemblance.

- Ah oui ?

- Elle est frappante. (Il sourit. Il avait l'air de quelqu'un qui a fait son deuil)

- Vous devez vous demander pourquoi je vous aborde en pleine rue.

- Je serais curieux de l'apprendre en effet (je ne voulais surtout pas lui parler des documents que Marie m'avait confiés).

- Je vais vous le dire. C'est au sujet des documents que ma fille vous a confiés. Vous les avez toujours en votre possession ?

- Oui bien sûr !

- Mettez-les en lieu sûr, dans un coffre par exemple, je vous en conjure.

- Ne vous inquiétez pas, c'est déjà fait.

- Mais là n'est pas l'essentiel, même si c'est d'une importance capitale. Ce que j'ai à vous dire, je pense, va vous surprendre.

- Plus rien ne peut me surprendre dans cette affaire (fanfaronnais-je).

- Je n'en suis pas aussi sûr ! Voilà, ma fille vous demande de ne pas vous servir des documents pour le moment.

- (Je le regardai hébété) Je ne comprends pas !

- C'est normal, j'aurais dû commencer par là. (Il regarda autour de lui et me chuchota) Marie n'est pas morte.

Je faillis renverser le verre de bière que j'avais commandé. J'ai aussitôt pensé que le pauvre vieux délirait sous le coup du chagrin. J'avais trop vite jugé qu'il avait fait son deuil. Mais il me regardait tranquillement comme s'il lisait dans mes pensées.

- Je comprends parfaitement votre étonnement. Le mien a été encore bien plus grand quand elle m'a téléphoné !

- Téléphoné ? Comment ça téléphoné (si ce n'était la situation dramatique, mon esprit espiègle lui aurait plutôt demandé : et d'où exactement ? Du ciel ou de l'enfer ! Je me suis mordu les lèvres en pensant à Marie. Il y a vraiment certaines choses avec lesquelles on ne peut plaisanter, en tout cas pas avec n'importe qui).

- Mon rôle ici ne consiste pas à vous fournir des explications. J'en ai très peu moi-même. Je dois simplement vous faire passer le message suivant : mettez les documents à l'abri, faites attention à vous, observez si vous n'êtes pas surveillé et disparaissez le plus tôt possible, dès aujourd'hui, sans laisser aucune trace, pendant une semaine.

- Hmmm (je le fixai d'un air ahuri)

- Dans une semaine, vous me téléphonerez au numéro que je vais vous donner et je vous dirai où la retrouver.

- Hmmm

Je restais abasourdi par ce que je venais d'entendre et continuais de le contempler béatement. Je savais parfaitement que ce qu'il me disait était impossible. Moi-même, je n'avais pas voulu croire à son assassinat mais j'avais bien dû m'y résoudre. C'était inacceptable aussi bien qu'inéluctable. J'avais assisté au procès quand même, et lui pareillement. Il avait même assisté à la mise en terre en plus, lui et sa femme. Je ne comprenais pas à quel jeu il jouait. Et pourtant, c'était bien le père de Marie. Il est vrai que je ne le connaissais pas vraiment. Je ne l'avais jamais fréquenté avant le procès et ne lui avait même jamais parlé. Marie elle-même m'en avait dit peu de chose. Elle n'avait pas l'habitude de s'étendre sur sa famille. C'était peut-être un affabulateur-né. Qui sait ? Ou un membre d'une secte qui pratiquait les résurrections ou que sais-je, la réincarnation en fantôme, en chaise de bar, ou en esprit vengeur. Mais pourquoi s'adressait-il à moi? Et surtout comment savait-il que je détenais les documents ? Sans doute Marie par précaution le lui aurait dit avant sa mort. Ce type manigançait quelque chose. Cela paraissait évident. J'étais moins certain que ce fut une bonne nouvelle.

-Ne vous inquiétez pas pour votre boulot au journal, je préviendrai votre directeur et verserai une somme suffisante sur votre compte par son intermédiaire pour vous permettre de suivre ses instructions.

Il se leva prestement en me fourguant un numéro de téléphone écrit avec soin sur une feuille de cahier d'écolier. J'étais tellement sidéré que je n'ai même pas bougé.

- La consommation est pour moi. Et surtout, faites attention à vous.

- Hmmm.

Je le regardai s'en aller sans rien trouver à dire. Pas un seul mot n'a pu être émis par mon cerveau paralysé. Je trouvais ma situation déjà assez compliquée comme ça sans qu'un énergumène, fut-il le père de Marie, vînt en remettre une couche encore plus obscure. A la limite du louche. Je me retrouvais dans la même posture que Sofiane au cours de son enquête. Normalement, il devait en avoir la direction en mains, mais on voyait bien en réalité qu'il avait été manipulé du début jusqu'à la fin. Pourquoi et par qui? C'étaient les bonnes questions auxquelles Marie semblait apporter des réponses envisageables. Exactement ce que je voulais à tout prix éviter. Et Marie dans tout ce fatras, qu'est-ce qu'elle foutait là? Et si c'était vrai ? Cette pensée traversa mon esprit comme une hirondelle ne fait pas le printemps. Je m'ébrouai. Je venais d'être victime d'une hallucination. Ca arrive quand on est très fatigué et moralement perdu. C'était exactement mon cas. Je finis mon verre d'un trait et me levai. Je devais marcher pour y voir un peu plus clair. Je n'aime pas réfléchir assis. Ce n'est pas tant que je n'aime pas, c'est que je n'y arrive tout simplement pas. Quand la machine à idées se met en branle, il faut que je bouge sinon j'explose. Ca paraît bizarre mais c'est ainsi. Je cheminai tranquillement vers mon logement. Le bruit et les incidents de la rue n'arrivaient même plus à me distraire de mes pensées. J'atteignis le pied de mon immeuble et pris l'escalier. Je gravis les trois étages à pas comptés, m'arrêtant de temps en temps sur un bout d'idée prégnante. Quand je fus devant la porte de mon appartement, mon sang se glaça immédiatement. Je compris instantanément qu'elle avait été fracassée car la poignée gisait lamentablement à terre. Bien que fermée (pas tout à fait), on voyait de suite qu'elle avait été forcée. Je la poussai rapidement pour constater que tout l'appartement avait été saccagé. Je restai pétrifié sur le pas de la porte à contempler les dégâts puis me précipitai à l'intérieur pour voir les autres pièces. J'entendis la porte se refermer derrière moi et me retournai. Deux types me faisaient face. Ils avaient des mines patibulaires (mais presque, me dis-je malgré moi en pensant à Coluche pour me donner du courage).

- Qu'est-ce que vous me voulez (je balbutiai) ?

- On va pas perdre notre temps ni le tien (dit le plus grand et le plus menaçant), file-nous la doc de Laffargue et on se taille.

- Je sais pas de quoi vous parlez (je bredouillai).

Comme ils s'avançaient lentement vers moi, je reculai prudemment et heurtai du pied mon oud sorti de son étui et appuyé contre le mur. Mû par une pulsion de survie, je saisis l'instrument par le manche et l'abattis violemment (de toutes mes forces) sur le grand qui s'était le plus rapproché. Mon cœur se brisa en même temps que le oud qui traversa sa tête jusqu'au cou. Il vacilla même sous la violence du coup. Et puis il se passa au même moment quelque chose de formidable : mon voisin sonna, intrigué par l'état de la porte. L'effet que fit la sonnette en retentissant fut radical. Ils se sauvèrent. Le plus petit aida l'autre à se débarrasser des débris de mon instrument puis le tira par la manche pour le guider parce qu'il paraissait à moitié sonné. Je n'avais pas d'autre instrument sous la main pour m'attaquer à l'autre et estimai aussi que pour l'instant cela suffisait. Je n'avais aucune intention de les dénoncer à la police, pensant immédiatement que ce n'était pas la bonne solution, malgré les dénégations de mon aimable voisin. Il se gratta la tête quand il vit les dégâts et me dit qu'à son avis, il fallait faire une déclaration. Je lui indiquai que j'étais absolument du même avis mais que dans l'immédiat, je voulais d'abord procéder à certaines vérifications. Je le remerciai chaleureusement de son intrusion providentielle qui m'avait tiré d'un pas qu'on qualifierait d'encore plus mauvais, au moins provisoirement, puis le rassurai. J'acceptai avec bonheur son offre de témoigner en ma faveur. Mais j'étais pressé de le voir partir. Il semblait étonné mais mit ça sur le compte de l'émotion et ma hâte de vérifier l'appartement. Il n'insista pas. Quand je fus seul, je me dis que je n'avais plus une minute à perdre pour mettre en application le conseil du père. Je rassemblai à la hâte quelques affaires dans un sac à dos et sortis, laissant tout en l'état. Je m'en remis à l'intelligence sinon à la curiosité de mon cher voisin. Il était évident que j'étais surveillé. J'entrai dans un bistrot proche dont je connaissais la particularité d'avoir une sortie dérobée. Je bus un demi au comptoir en attendant de voir qui d'autre entrerait. Le patron me trouva mauvaise mine. La peur s'était inscrite sur mon visage. Personne n'entra et je sortis par la porte de derrière. J'observai la rue, attendis un instant pour voir si j'étais suivi puis me dirigeai à grandes foulées vers la gare la plus proche de chez moi dont je voyais le minaret indiquer l'heure. Arrivé dans le hall de la gare de Lyon, je remarquai un train en partance et me précipitai pour m'engouffrer juste à temps dans le dernier wagon. Je me retournai. Personne n'était parvenu à me suivre. Je soufflai. Alors seulement je remarquai que j'étais trempé de sueur et hors d'haleine. Le contrôleur se trouvait sur la même plateforme. Je regardai ma montre, il était exactement 19h4O. Je me tournai vers le contrôleur :

- Je n'ai pas eu le temps d'acheter mon billet.

- Vous pouvez le prendre maintenant avec un supplément.

- Je n'ai pas le choix !

- Où allez-vous ?

- (je le regardai stupidement. je n'y avais même pas pensé) euh ! Où va ce train ?

- Port Bou (il ne montra même pas son étonnement)

- Et ça se trouve où Port Bou ?

- (Il leva à peine un sourcil) en Espagne.

- Ah ! Et quelle est le dernier arrêt avant la frontière ?

- Il y en a plusieurs sur la côte Vermeille : Collioure, Port-Vendres, Bany…

Je ne le laissai pas terminer son énumération. Un port, c'est tout ce qu'il me fallait, pensais-je)

-Va pour Port-Vendres.

Je n'en avais jamais entendu parler. Je n'avais qu'une vague idée de cette frontière et n'osai même pas lui demander si c'était sur l'Atlantique ou la Méditerranée ! Ca n'avait aucune importance dans la situation où je me trouvais. Il suffisait que je mette assez de distance entre moi et mes mystérieux poursuivants.

- Et l'arrivée est prévue pour quelle heure ?

- Sept heures demain matin. Mais si vous voulez prendre une couchette pour la nuit, je peux vous en vendre une !

Ce n'était pas une mauvaise idée. En plus j'étais crevé. J'étais à peu près sûr aussi d'avoir semé mes éventuels poursuivants. Je payai et m'installai me retrouvant seul dans le compartiment. Je pris mes aises et fermai la porte à clé. Le paysage défilait tandis que la nuit tombait. Je pensais à ce qui m'arrivait. Rien de ce que j'avais prévu. Je roulais vers une destination inconnue sans savoir ce qui allait advenir de moi. Je repensai à la soirée, à ce que m'avait dit le père de Marie. Je n'arrivais pas à y croire. Toute cette histoire était insensée. Le fait qu'il m'ait abordé avait seulement servi à mettre les "autres" sur ma piste. Ils devaient bien se douter que Marie avait refilé ses écrits à quelqu'un. Ils avaient peut-être harcelé le père qui avait fini par cracher le morceau sous la menace. Et ils étaient à mes trousses maintenant. Il n'était pas obligé d'inventer cette histoire abracadabrante pour se justifier quand même ! Je me demandais qui pouvaient bien être ces horribles sbires. Des membres du "Pouce de Dieu" ! En lisant cette histoire, je m'imaginais un récit du moyen-âge plutôt qu'une misère qui me tomberait sur le râble. J'avais du mal à les voir en religieux, ces deux rastaquouères qui m'avaient agressé. Je restai sur la conclusion qu'ils s'évertuaient à récupérer la documentation de Marie sur leur confrérie et que le père avait ressuscité sa fille par honte d'avoir trahi, sous la torture peut-être. Je ne lui en voulais pas. Je n'aurais moi-même jamais pu résister à la moindre torture. J'aurais déjà tout avoué avant d'être soumis à la question. Je m'endormis bercé par le tangage régulier du wagon rasséréné par tous les kilomètres déjà mis entre eux et moi et assuré que jamais ils ne trouveraient le manuscrit de Marie.

Mon sommeil fut si profond, après les émotions de la journée, que je n'eus aucune idée du chemin parcouru. Je me réveillai brusquement à un arrêt. La lumière du jour pointait à travers les rideaux. J'observai discrètement les quais déserts à cette heure matinale et découvris que nous étions à Narbonne. Je savais enfin de quel côté j'étais. Le train s'ébranla à nouveau. Je somnolai jusqu'à Collioure où selon le contrôleur, il ne me restait que quelques minutes avant d'atteindre Port-Vendres. Le train s'immobilisa et je descendis sur le quai. Nous n'étions que trois passagers à nous arrêter sur toute la longueur incroyable du train. L'air était délicieusement doux. Le soleil restait confiné derrière une montagne et la première vision qui me stupéfia en sortant de la minuscule gare fut de découvrir les vignes qui recouvraient toutes les collines, même les plus hautes et escarpées. Je descendis jusqu'au port. Je m'imaginais un grand port alors qu'il n'y avait de place que pour deux cargos. Je me suis assis sur un banc en face des bateaux de plaisance et me suis mis à réfléchir. Je n'étais pas encore bien réveillé et n'avais aucune envie de marcher. Je me suis brusquement dit que je m'étais fourré dans une situation insensée. Le pire était que je n'avais rien fait pour. Ce n'était pas juste quand même. Mon appartement était quasiment détruit, je m'étais enfui sans rien préparer et en abandonnant tout, le père de Marie délirait, j'étais repéré par des fous-furieux qui cherchaient à récupérer des documents dont je ne savais pas quoi faire exactement, sans parler d'un type en prison qui comptait sur moi pour l'en faire sortir. Je devais résoudre toutes ces équations assis sur un banc dans un port perdu sans aucune aide possible. Le soleil avait grimpé par-dessus la petite montagne qui surplombait la ville et me caressait délicieusement le visage. Des pêcheurs rentraient au port sur leurs frêles embarcations et des clients attendaient déjà leur poisson. Je me retrouvais dans un autre monde. J'avais besoin d'un bon petit-déjeuner pour tenter de me mettre au moins quelques idées en place. Pour l'instant, je n'avais qu'une seule envie, tout laisser tomber ! Or, c'était justement la seule possibilité que je ne pouvais mettre en application. Voilà bien ma veine. Je songeai avec tristesse à mon oud réduit en mille morceaux. Un instrument si cher à mon cœur et à mon portefeuille. Je m'assis sur la terrasse du bar-restaurant la Tramontane et, léché par le soleil matinal, je pris un petit-déjeuner complet. Au fur et à mesure que le café éclaircissait mes méninges, je pris une série de décisions. Tous ces évènements me reléguaient au comble de l'absurdité, néanmoins, je ne pouvais faire autrement que de tenir compte de ces deux olibrius qui m'avaient menacé. D'où sortaient-ils ? Je n'en savais fichtrement rien mais j'avais un aperçu de leur capacité à nuire. Mis au courant de toute cette fâcheuse histoire et par Marie et par Sofiane, je ne pouvais pas davantage risquer de me tourner vers la police. Je n'avais aucune idée de la faculté de Lataille à intervenir sur Paris, et je ne savais même pas s'il trempait dans ce complot, puisque complot il y avait, maintenant je ne pouvais plus le nier. Il valait donc mieux s'abstenir. Je pris la décision immédiate et irréversible une fois le petit-déjeuner avalé, de couper mes cheveux que je portais fort longs (une coiffure d'artiste qui me seyait à merveille quand je taquinais mon oud), à ras et de me faire teindre en blond. Je porterais dorénavant aussi des lunettes de soleil. Ca tombait bien car celui-ci commençait à plomber la terrasse. Je pouvais aussi me faire percer à des endroits clés de mon anatomie. Ces petites mesures de sécurité s'ajouteraient à la grande distance que j'espérais avoir mise entre eux et moi. Une seule chose ne changea pas, je ne parvenais toujours pas à croire en la résurrection de Marie. A l'impossible nul n'est tenu. La question subsidiaire était : fallait-il téléphoner dans quelques jours au numéro de son père comme il me l'avait demandé. Je risquais une nouvelle fois de me faire repérer. Je pouvais me déplacer et aller téléphoner ailleurs, puis revenir à l'endroit du départ. Ce qui en rajoutait à la confusion. Mais si je ne lui téléphonais pas, quel sens avait cette fuite en avant et cet abandon de mon appartement ? Mieux eût valu dans cette perspective être resté à Paris pour faire une déclaration à la police accompagné de mon voisin comme témoin. C'est toujours la même chose, comme on ne sait pas ce qu'il va se passer, on ne sait jamais quelle décision prendre. Et quand on sait que certaines décisions empêchent de revenir en arrière. Accepter de conserver des documents appartenant à autrui par exemple. La police aussi était peut-être sur les dents, alertée par mon voisin.

port_vendres_quai_forgas

(Quai Forgas - Port-Vendres) 

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Commentaires
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  • roman trépidant et original qui s'attache aux questions très actuelles de la tolérance et de l'extrémisme religieux. Des personnages attachants sont aux prises avec un monde de plus en plus tentaculaire et nous rappelle que l'intolérance ne vient pas uniq
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